Vivre caché derrière le voile : l’éducation des femmes afghanes
Par George Gao, diplômé de la Faculté de droit de l’Université de Montréal.
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The world breaks everyone and afterward many are strong in the broken places. But those that will not break it kills. It kills the very good and the very gentle and the very brave impartially. If you are none of these you can be sure it will kill you too but there will be no special hurry [1].
L’actualité géopolitique a dépeint l’Afghanistan comme un foyer de diverses mœurs culturelles et abritant différentes tribus socio-ethniques. Pour certains(es), l’Afghanistan restait un pays lointain dont les affaires socio-politiques ne semblaient pas préoccuper la communauté internationale. Les monuments hellénistiques d’Alexandre le Grand à Kaboul ou encore les statues de Bouddha à Bamiyan témoignent d’un riche passé historique. Cependant, depuis les années 90, la guerre civile a ravagé et érodé ces trésors culturels [2]. La guerre n’a pas épargné non plus le peuple afghan : les conditions des Afghans, particulièrement celles des femmes afghanes, se sont détériorées à un tel point que les Nations Unies ont mis au point une liste de recommandations en vertu des principes des droits et des libertés fondamentaux relatifs à la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes adoptée le 18 décembre 1979 et entrée en vigueur le 3 septembre 1981 (CEDEF) [3].
La CEDEF réaffirme l’égalité de l’homme et de la femme dans les domaines politiques, économiques et socio-culturels [4]. Pour effectuer un changement efficace et durable en matière des droits fondamentaux des femmes en Afghanistan, il faut non seulement implémenter des mesures législatives, mais avant tout adapter la notion des droits et des libertés fondamentaux au sein des mœurs et des coutumes afghanes. En d’autres termes, il faut savoir intégrer, voire institutionnaliser, les droits tout en prenant en compte les coutumes locales afghanes par le biais de programmes d’éducation et d’alphabétisation.
Le Protocole facultatif sur la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes a été adopté le 6 octobre 1999 [5]. Ce protocole permet aux femmes dont les droits ont été violés de formuler une plainte officielle auprès du comité de la CEDEF après épuisement des mécanismes juridiques internes.
Ce protocole établit aussi un processus d’enquête sur les allégations de violations graves ou systématiques des droits protégés par les dispositions de la CEDEF. Elle définit les différentes formes de discrimination à l’égard des femmes et propose des mesures en vue de les éliminer dans les différents secteurs. De plus, elle met en valeur les droits inaliénables des femmes et présente un plan d’action pour que les États membres garantissent son application.
En Afghanistan, les discriminations subsistent aujourd’hui surtout dans les attitudes, les coutumes et les traditions. Ces formes d’inégalité résultent de l’invisibilité des effets des situations fondées sur la réalité historique du patriarcat, des rapports sociaux des sexes, des rôles attribués historiquement aux femmes et aux hommes, des notions de supériorité ou d’infériorité liées à ces rôles [6].
Les femmes sont particulièrement vulnérables puisqu’elles sont souvent victimes de harcèlement et de violence sexuelle [7]. Des suggestions ont été mises de l’avant afin de remédier à ces problèmes en se référant aux rapports d’Amnistie internationale et Human Rights Watch [8]. Punir légalement les violences faites aux femmes au sein des institutions comme l’Afghan Transitional Administration (ATA) est un exemple d’initiative pour veiller au développement et à la protection des droits fondamentaux des femmes [9]. Toutefois malgré ces mesures, le processus d’implémentation des droits des femmes ne peut s’effectuer que par l’internalisation de ces valeurs par les institutions afghanes conjointement avec les coutumes afghanes.
Le 5 décembre 2001, les Accords de Bonn ont créé l’administration transitionnelle d’Afghanistan afin d’établir une commission constitutionnelle et de rédiger une nouvelle constitution afghane [10]. Cette commission constitutionnelle a eu le mandat de refléter les intérêts du peuple afghan, en tenant compte des particularités ethniques et religieuses. Sur les trente-cinq membres de cette commission, sept membres sont des femmes, ce qui assure la participation des femmes dans l’élaboration d’un nouveau système politique et judiciaire [11].
La constitution afghane de 2003 a fait du progrès dans le développement des droits des femmes en Afghanistan. Elle stipule de façon explicite, l’égalité des hommes et des femmes: « The citizens of Afghanistan—whether man or woman—have equal rights and duties before the law » [12]. Des mesures législatives ont mis en œuvre des règlements judiciaires afin d’encourager la participation des femmes issues de différents milieux ethniques et culturels [13].
Or dans les zones frontalières, les conflits armés et l’influence des talibans sont les principales causes de la recrudescence de la violence [14]. Du fait de l’insécurité qui prévaut dans ces régions dites « à risque », le gouvernement afghan n’est pas toujours en mesure d’assurer suffisamment de services de santé, éducatifs et juridiques. Parallèlement, peu d’ONG sont présentes dans ces zones dangereuses et donc incapables de dispenser des services à la population locale. Comment assurer la défense des droits des femmes dans ces contrées éloignées?
L’éducation des femmes est cruciale pour favoriser l’implémentation des droits fondamentaux. Plusieurs centres ont été mis en place au cours des dernières années pour défendre les droits des femmes, offrant des conseils en matière juridique ou familiale aux femmes afghanes. Ces organisations ont formé et recruté des avocats(es) afin de que les droits des deux parties aux litiges soient mieux défendus devant les tribunaux [15].
Ainsi, les femmes éduquées pourront s’adonner à diverses occupations professionnelles, et non plus aux secteurs considérés comme exclusivement féminins et l’enseignement dans les écoles pour filles [16]. Les femmes représentent 21 % de la fonction publique, mais touchent pour la plupart des salaires peu élevés [17].
Ainsi, petit à petit, les femmes afghanes pourront s’impliquer dans la société civile, et revendiquer pour elles-mêmes et leur famille des réformes sociales et politiques en Afghanistan.
- Ernest HEMINGWAY, A Farewell to Arms, New York, Scribner, 1929
- Steven DAVY, «They were destroyed by the Taliban. But now the giant Buddha statues of Bamiyan have returned with 3-D light projection», PRI, 11 juin 2015.
- Convention sur l’élimination sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, 18 décembre 1979, (1981) R.T.N.U. n°20378.
- Id.
- Id.
- Id., note 29, 18.
- Anastasia TELESETSKY, «In the Shadows and Behind the Veil: Women in Afghanistan under the Taliban Rule», (2013) 13 Berkeley Women’s Law Journal 296.
- Benazeer ROSHAN, «The More Things Change, the More They Stay the Same: The Plight of Afghan Women Two Years After the Overthrow of the Taliban», (2004) 19 Berkeley Women’s Law Journal 282
- Id.
- Jennifer KRISTEN LEE, «Comment, Legal Reform to Advance the Rights of Women in Afghanistan within the Framework of Islam», (2009) 49 Santa Clara Law Rev. 538.
- Id.
- Id., p. 539.
- Id., p. 559-560.
- ONU Info, « L’Afghanistan: la violence contre les femmes reste impunie- rapport », 8 juillet 2009.
- Id.
- Id.
- Sippi AZARBAIJANI-MOGHADDAM. «The Arrested Development of Afghan Women», dans The Future of Afghanistan, Washington, D.C., United Institute of Peace, 2009, p. 85.
- Id.