Une version modernisée de l’ALENA tant souhaitée par Donald Trump

Photo by Vince Fleming on Unsplash

Par Mélanie Ruiz-Pardo, étudiante à la maîtrise en droit des affaires à l’Université de Montréal.

Dès son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump annonçait la couleur. Il fallait dépoussiérer l’Accord de libre-échange nord-américain, plus communément connu sous son acronyme ALENA. Bien évidemment avant de crier victoire, une ratification législative des trois pays signataires à savoir les États-Unis, le Canada et le Mexique était nécessaire. Et c’est chose faite! Le Congrès américain a finalement adopté le texte de l’AEUMC (USMCA en anglais). Le Canada avait déjà fini son processus de ratification national [1] depuis le 3 avril. Quant au Mexique, il était le premier à ratifier en décembre 2019.

Il est important de rappeler que ce nouvel accord commercial signé le 30 novembre 2018 à la suite du Sommet du G20 à Buenos Aires établit une zone de libre-échange entre les parties. Ce type d’accord facilitant le libre-échange et les investissements a été critiqué à de nombreuses reprises notamment au regard de son mécanisme de règlements des différends. Nous faisons référence au célèbre chapitre 11 de l’ALENA. Pourtant, ces accords internationaux sont primordiaux aux relations commerciales entre les pays signataires. Le Canada l’a bien compris. En effet, on peut constater que depuis les années 90 [3], le gouvernement canadien place le libre-échange comme une des grandes priorités économiques du pays. Il écrit à ce sujet :

En 1994, les États-Unis, le Mexique et le Canada ont créé la plus grande région de libre-échange au monde […], qui a donné lieu à une croissance économique et a contribué à élever le niveau de vie de la population des trois pays membres. En renforçant les règles et les procédures régissant le commerce et l’investissement, cet accord s’est révélé être une base solide pour bâtir la prospérité au Canada, en plus d’être un exemple précieux des avantages que présente la libéralisation du commerce pour le reste du monde [4].

La libéralisation suppose de faciliter les échanges [5], d’encourager l’essor du commerce et favoriser l’ouverture optimale du commerce international. Par exemple, les barrières tarifaires sont réduites au maximum et deviennent inexistantes. Ses barrières sont essentiellement les droits de douane imposés à l’entrée des marchandises, autrement dit les frais imposés aux produits étrangers lors de leurs entrées sur le territoire national. Toutefois, l’accord touche également les barrières non tarifaires que constituent les autres entraves à l’entrée de marchandises étrangères. Ceux-ci sont désignés comme des « obstacles invisibles et pernicieux » [6].

Sur son site internet, le gouvernement canadien a notamment mis à disposition du grand public les renseignements et ressources nécessaires relatives aux marchandises admissibles à l’AEUMC afin de décrypter cette nouvelle entente de principe entrant en vigueur le 1er juillet 2020. À ce sujet, le Canada a consenti des compromis concernant l’ouverture du marché laitier et des volailles en contrepartie d’un accès aux betteraves à sucre étasunien.

L’AEUMC innove surtout dans le secteur automobile. Il s’agit évidemment de privilégier la fabrication nord-américaine concernant par exemple la production d’acier et de l’aluminium. Gare aux autres pays dont la main d’œuvre fait baisser le coût de production!

Ainsi, le contenu nord-américain d’un véhicule sera relevé à 75 % contrairement à 62,5 % au préalable. Il est intéressant de remarquer l’introduction d’un mécanisme simplifié d’auto-certification. Celui-ci pourra être effectué par l’exportateur, le producteur ou encore l’importateur.

Concernant le mécanisme de règlements de différends, il reste sensiblement le même à une précision faite qu’il englobe dorénavant un chapitre complet sur le travail. Il introduit « des mécanismes novateurs d’intervention rapide entre le Canada et le Mexique et entre les États-Unis et le Mexique » [7]. Ceci a pour objectif de réduire les délocalisations massives reprochées à son prédécesseur.

Concernant la position politique de Trump, le Journal Le Monde allait même jusqu’à estimer que le président américain « voulait un accord, pour montrer qu’il sait conclure les guerres commerciales, alors que celle avec la Chine n’en finit pas » [8].

Qu’on soit favorable ou non à la conclusion de ce type d’accord, il est à saluer que l’Accord prévoie une renégociation au moins tous les 6 ans afin de « veiller à ce que l’Accord demeure pertinent, efficace et avantageux pour les travailleurs nord-américains […] en plus d’offrir de la prévisibilité et de la stabilité aux consommateurs et aux entreprises du Canada » [9].

Soulignons que l’Accord représente la volonté d’une grande partie des gouvernements de signer des accords progressifs qui s’adapte aux facteurs économiques, politiques et sociaux. 

Nous ne pouvons qu’attendre les retentissements de celui-ci. Espérons que l’AEUMC facilitera les affaires transfrontalières qui ne sont pas toujours chose simple pour les entreprises d’envergure mondiale.


  1. Justin TRUDEAU, Déclaration de la vice-première ministre à l’occasion de la ratification du nouvel ALENA par le Canada, Ottawa, 3 avril 2020.
  2. INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Commerce extérieur du Québec 1991-1998 – Étude spéciale : Les effets de l’ALE et l’ALENA sur les économies canadienne, québécoise et américaine, Collection l’Économie, 1999.
  3. GOUVERNEMENT DU CANADA, Accord de libre échange nord-américain avec les États-Unis et le Mexique (ALÉNA) – Ressources, 5 mai 2020.
  4. OMC, Déclaration ministérielle conjointe sur la facilitation de l’investissement pour le développement, WT/MIN(17)/59 (13 décembre 2017).
  5. Dominique CARREAU et al., Droit international économique, 6e éd., Paris, Dalloz, 2017, p. 100.
  6. GOUVERNEMENT DU CANADA, Résumé des résultats atteints, 28 janvier 2020. 
  7. Arnaud LEPARMENTIER, Frédéric SALIBA et Hélène JOUAN, Libre-échange : l’accord entre les États-Unis, le Canada et le Mexique éloigne le spectre d’une nouvelle guerre commerciale, Le Monde, 11 décembre 2019.
  8. GOUVERNEMENT DU CANADA, préc., note 6.