La fin de la mondialisation : une douce illusion?

Par Mélanie Ruiz-Pardo, étudiante à la maîtrise en droit des affaires à l’Université de Montréal.

Photo by Kyle Glenn on Unsplash

Il ne faut plus être avide d’actualité pour connaître l’ampleur de ce que la planète et ses citoyens subissent depuis le début de l’année 2020. En effet, la pandémie est sur toutes les lèvres, au centre de tous les débats et placardée à l’entrée de la quasi-totalité des commerces. Et justement, parlons-en du commerce.

La Covid-19, puisque l’Académie française a décidé d’utiliser ce terme au féminin, est une catastrophe sanitaire qui aura de nombreuses répercussions sur l’économie du monde, concernant les échanges commerciaux et les politiques commerciales des différents pays. Au niveau national, pour ne prendre que les exemples de la France et du Canada, les prédictions du PIB sont alarmantes voire historiques. En France, les experts prédisent une hausse du déficit de plus de 9 % du PIB. Alors qu’au Canada, selon le rapport parlementaire d’Yves Giroux [1], on pourrait s’attendre à plus de 12,7 % du PIB en 2020-2021.

Les gouvernements n’ont pas vraiment la possibilité de prendre appui sur des crises antérieures de même ampleur afin de bâtir leurs logistiques de reconstruction post Covid-19. Quoi qu’il en soit, on peut dire que la chasse aux sorcières est lancée. Toutes les fragilités du système sont mises en exergue et analysées. Évidemment, le phénomène de mondialisation ou globalisation est de nouveau la source de tous les maux. Les souverainistes et antimondialistes s’en donnent à cœur joie pour décrier encore un peu plus les dommages de la libéralisation économique. 

Assurément, celle-ci est montrée du doigt pour son implication dans l’incapacité des États à produire des masques en suffisance et surtout à les livrer dans les temps. Elle serait fautive d’avoir permis, à une vitesse impressionnante, la transportation transfrontalière du virus. Aujourd’hui, elle est la coupable toute trouvée. Elle met en danger la santé des citoyens du monde et ravage l’économie. Mais oublie-t-on que la mondialisation a eu son lot de bonnes nouvelles? Le sujet est sensible, surtout lorsqu’on évoque les avantages de celle-ci.

Il est d’autant plus délicat de parler d’un retour à la normale ou hasardeux [2] d’émettre des pronostics. Toutefois, est-ce qu’un retour à la normale est vraiment souhaité?

En pratique, il serait naïf de penser que le système est toujours parfait. En ce sens, il peut comporter des dérives. Seulement, s’il en comporte, les gouvernements ont en leur possession le pouvoir de tout simplement l’adapter. Il y a fort à parier que cette crise ne réduira pas la mondialisation. Joseph Borell écrivait à ce sujet que :

« Cette pandémie ne marquera pas la fin de la globalisation. Mais elle remettra en cause un certain nombre de ses modalités, et de ses présupposés idéologiques, dont notamment le fameux triptyque néolibéral : ouverture des marchés, recul de l’État, et privatisations. Cette remise en cause était déjà engagée avant même le début de la crise. Elle s’accentuera après. » [3]

Cependant, il est probable qu’une nouvelle vague de régionalisation se crée. Car si on ne peut supprimer l’imbrication des chaînes mondiales du jour au lendemain, on peut par contre imaginer que les dynamiques commerciales se reconcentrent sur les chaînes régionales de valeur. Évidemment, il y aura toujours des multinationales, mais elles pourraient simplement agencer différemment leur fonctionnement.

Devant cette crise sans précédent en temps de paix, il faut bien se dire qu’il est toujours nécessaire de promouvoir la coopération des gouvernements afin de redresser la barre. Cette coopération est parsemée d’embûches, mais est réalisable. Récemment, les pays de l’OPEP, à savoir l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, arrivent à des compromis afin de prolonger la baisse de la production du pétrole compte tenu de l’envolée du prix du baril. Par contre, à l’opposé, certaines organisations souffrent de cette crise et risquent de disparaître. Nous pensons à l’Organisation mondiale de la Santé [4]. Après l’annonce de Trump de retirer ses fonds de l’agence internationale, c’est au tour du Brésil de menacer l’institution.

Toutefois, le ton est plus modéré en Europe. La Présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a rallié ses membres à prendre une responsabilité collective. Dans son allocation elle estime que :

« Notre rôle en tant qu’institutions européennes, décideurs politiques et dirigeants est de faire preuve d’une même confiance, d’une même unité et d’un même leadership. […] Nous ne pouvons pas résoudre une crise qui ne connaît pas de frontières en érigeant des barrières entre nous. » [5]


  1. BUREAU DU DIERCTEUR PARLEMENTAIRE DU BUDGET, Mise à jour de l’analyse de scénario : chocs dus à la pandémie de la Covid-19 et à la chute du pétrole, 30 avril 2020.
  2. Joseph BORELL, « COVID-19 : le monde d’après est déjà là … », IFRI, 2020.
  3. Laurent BATAILLE, Non, la mondialisation n’est pas dépassée, L’Opinion, 15 mai 2020.
  4. Catherine RÉGIS et Jean-Louis DENIS, « L’OMS survivra-t-elle à la pandémie… et aux attaques de Trump?», The Conversation, 12 mai 2020.
  5. COMMISSION EUROPÉENNE, Discours de la Présidente von der Leyen à la session plénière du Parlement européen, sur la réponse européenne coordonnée à la pandémie de COVID-19, 26 mars 2020.