La protection des joueurs mineurs dans le système de transferts internationaux de la FIFA

Par Luis Vargas (LL.M. droit international, Université de Montréal), étudiant au programme d’actualisation en droit à la Faculté de droit de l’Université de Montréal.

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Dans les dernières années, le football (ou « soccer ») professionnel est devenu une industrie millionnaire [1]. En effet, il a généré près de 7,35 milliards de dollars en transferts internationaux de joueurs en 2018 [2]. Cela dit, avec 4 milliards d’adeptes, il demeure le sport le plus populaire et le plus pratiqué au monde [3]. Étant donné que les ligues les plus compétitives, appelées les « Big 5 » [4], se trouvent en Europe, les jeunes footballeurs de partout sur le globe rêvent d’immigrer vers le vieux continent [5].   

L’interaction de plusieurs branches du droit, la complexité de ses relations juridiques et le besoin de règles propres au sport ont mené à la création d’une sorte de lex sportiva [6]. Également, le besoin de régler les problèmes « dans la famille du sport » a motivé les fédérations sportives à créer une cour sportive, le Tribunal arbitral du sport (TAS) [7]. Le TAS fonctionne, sans avoir ici le but d’être exhaustif, en tant qu’instance d’appel des décisions prises par la Commission du statut du joueur de la FIFA [8], notamment, les refus des demandes de transfert international (CTI) et du premier enregistrement des joueurs [9]. Ces lois ont pour but principal de contrôler le marché du transfert des footballeurs et de protéger les droits de ceux-ci [10], surtout des joueurs issus des milieux défavorisés.

Effectivement, l’exemple paradigmatique est celui des jeunes joueurs africains qui, rêvant de devenir le prochain Didier Drogba, s’embarquent vers l’Europe avec de faux agents [11], qui demandent en moyen entre 2 500 et 6 000 euros pour leurs services [12]. Très souvent, ces joueurs ne profitent d’aucune garantie et, s’ils échouent, sont abandonnés à leur sort [13]. Parfois, ils sont victimes de fraudes par ces « agents » qui leur promettent des try outs qui n’ont jamais lieu, ou même de signer un contrat avec un des grands clubs de football d’Europe [14]. Ces jeunes, découragés après avoir échoué dans leur rêve de devenir joueur de soccer professionnel, se trouvent alors dans un pays étranger, sans famille, ni amis et tombent souvent dans l’itinérance, l’exploitation, voire le crime [15].   

Dans le but d’éliminer les abus auxquels les mineurs sont soumis, la Fédération internationale de football association (FIFA) a annoncé en 2001 une modification à son Règlement sur le statut du transfert des joueurs [16]. Cette réforme vise à établir des mesures plus strictes quant aux transferts des joueurs mineurs, notamment l’obligation qu’ils se rendent dans un autre pays avec leur famille sans que le changement de club ne soit à l’origine de ce déplacement [17]. 

Le principe de la protection des mineurs et ses exceptions

L’article 19, alinéa 1, du Règlement sur le statut et transfert de joueurs (RSTJ) [18], prévoit que : « en principe, le transfert international d’un joueur n’est autorisé que si le joueur est âgé d’au moins 18 ans. »  En réalité, la protection recherchée par cette disposition vise essentiellement deux cas distincts [19] :

a) Celui où le joueur mineur serait victime d’un déracinement social, culturel, économique et/ou éducatif, voire d’une exploitation à des fins sportives et commerciales de son potentiel footballistique au détriment de son bien-être et de son développement personnel;

b) Celui où le déménagement de ses parents, étrangers à la pratique du football, empêcherait sans raison valable le joueur mineur de continuer à exercer ce sport dans son nouveau pays de résidence.

Ainsi, cette disposition concerne les joueurs mineurs en général, indépendamment de leur statut d’amateur ou de professionnel [20].

Ensuite, en vertu de l’article 19, alinéa 2, du RSTJ [21], le transfert d’un mineur n’est autorisé que s’il correspond à une des cinq exceptions suivantes :

a) Les parents du joueur viennent s’installer dans le pays où se trouve le nouveau club, pour des raisons sans rapport avec le football;

b) Un joueur ayant entre 16 et 18 ans peut être transféré d’un pays à un autre de l’UE/EEE, à la condition que son nouveau club garantisse son éducation scolaire et sa formation sportive;

c) Les transferts appelés « transfrontaliers »;

d) Un joueur qui fuit sans ses parents son pays d’origine pour des raisons humanitaires;

e) Le joueur est étudiant et se rend temporairement sans ses parents dans un autre pays pour des raisons académiques dans le cadre d’un programme d’échange.


  1. Raffaele POLI, Le marché des footballeurs, Berne, Ed. Peter Lang, 2010, p. 5-7.
  2. FIFA, Global transfert market report 2019, men professional football, a review of international transfers worldwide, le 20 janvier 2020.
  3. Lucie BERNARD, « Voici les sports les plus populaires dans le monde entier », France Info, le 17 février 2020.
  4. Raffaele POLI, Loïc RAVENEL et Roger BESSON, « Rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES, Analyse financière du marché des transferts dans les ligues du big-5 (2010-2019) », no. 47, Observatoire du football CIES, septembre 2019.
  5. Raffaele POLI, Loïc RAVENEL et Roger BESSON, « Rapport mensuel de l’Observatoire du football CIES, Les footballeurs expatriés dans le monde : étude globale 2019 », no. 45, Observatoire du football CIES, mai 2019.
  6. Cet auteur affirme qu’il y a trois postures divergentes sur l’existence du droit du sport en tant que domaine autonome du droit. Dans le présent texte, nous avons choisi de ne pas entrer dans ce débat. Timothy DAVIS, « What is sport law », dans Janwillem SOEK et Robert C R SIEKMANN (dir.), Lex Sportiva: What’s Sport Law?, La Haye, TMC Asser Press, 2012, p. 3-7.
  7. Art. 11, al. 4, c) Statuts de la FIFA (2019). À ce sujet, voir : Ian BLACKSHAW, « ADR and sport: settling disputes through the Court of Arbitration for Sport, the FIFA dispute resolution chamber, and the WIPO arbitration & mediation center », (2013-14) 24-1 Marquette Sport Law Review 1, 1-3. Matteo MACIEL, « Court of Arbitration for Sport: The Effectiveness of CAS Awards and FIFA », (2016) 4-2 Legal Issues 21.
  8. Cela dit, si une des parties demeure insatisfaite par une décision rendue par le TAS, il existe toujours la possibilité de contester cette décision devant la justice étatique. Art. 46, al. 1 Statuts FIFA (2019) et Art. 23, al. 4 Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs. Voir aussi : Art. 57, al. 1 et 14, al. 1, a) Statuts FIFA (2019).
  9. Chaque transfert international et chaque premier enregistrement de joueur âgé d’au moins dix ans, tels que respectivement énoncés aux alinéas 2 et 3, doivent être approuvés par la sous-commission créée à cet effet par la Commission du Statut du Joueur. Art. 19, al. 4, incise a) Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs.
  10. Notons que l’article 3 Statuts de la FIFA prévoit également la promotion et le respect des droits de l’homme. Art. 2, g), et 6 Statuts de la FIFA (2019) et art. 1, al. 1 et 2 Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs
  11. Alex C. NAJARIAN, « The lost boys: FIFA’s insufficient efforts to stop trafficking of youth footballers », (2015) 22 Sports Law Journal, 152, 152-153. Voir aussi : Fabien LÉVÊQUE, « Football les trafiquants d’espoir », Stade 2, 10 mai 2015.
  12. Id.
  13. Id.
  14. Id.
  15. Id.
  16. Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, cité dans FIFA, « Revised FIFA Regulations for the Status and Transfer of Players », Circulaire de la FIFA, no. 769, le 24 août (2001), p. 1.
  17. Art. 19, al. 2 Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs, cité dans FIFA, « Revised FIFA Regulations for the Status and Transfer of Players », Circulaire de la FIFA, no. 769, 24 août 2001, p. 1.
  18. Art. 19, al. 1 Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs
  19. TAS 2011/A/2494 FC Girondins de Bordeaux c. FIFA, 22 décembre 2011.
  20. « Dans des circonstances spéciales, une association peut soumettre à la sous-commission une demande écrite via TMS pour l’octroi d’une exemption limitée pour joueur mineur. L’exemption limitée pour joueur mineur, si accordée, libère – sous certaines conditions spécifiques et uniquement dans le cas de joueurs mineurs amateurs à enregistrer auprès de clubs purement amateurs – l’association de l’obligation de présenter une demande d’approbation formelle à la sous-commission via TMS, conformément à l’alinéa 4a ci-dessus et à l’annexe 2 du présent règlement. Dans un tel cas, l’association concernée doit, avant toute demande d’émission d’un CIT et / ou de premier enregistrement, vérifier et s’assurer que les circonstances du joueur satisfont sans le moindre doute possible l’une des exceptions énoncées à l’al. 2 ci-dessus ou à la règle des cinq ans (cf. al. 3 et 4a) ». Art. 19, al. 4, c) Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs. TAS 2008/A/1485 FC Midtjylland A/S c. FIFA, 6 mars 2009, par. 7.2.4 et 7.2.5.
  21. Art. 19, al. 2 Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs.